Saturday, May 14, 2005

Lui

Le roi.
Mon soleil.
Mon héros.
Le seul.
Le plus grand.Le plus fort. Le si beau.
le tout-puissant.

L'homme de ma vie.

Sa voix chaude, grave, enjouée : musique.
Sa musique : religion.
Ses chansons fête.
Ses yeux : mon puits
(là où je buvais, là où je me noyais).
Ses histoires : tristes.
Ses histoires : drôles.
Ses histoires : miennes.

Son nom : mon nom.
Pour toute ma vie.

Mon père était un astre,
à l'attraction irrésistible.
A lui je me chauffais,
grâce à lui je m'épanouissait.
Parce qu'il rayonnait j'avais chaud.
Parce qu'il était je poussais.

Le samedi à la porte de l'école,
je ne voyais que lui,
le seul à être en couleur.

je chuchotais : "C'est mon papa",
et ça voulait tant dire.

Le soir je le guettais,
ma vie comme suspendue.
Quand enfin j'entendais
le bruit de ses poches,
clés et monnaie s'entrechoquant,
ça voulait dire : " Il est là! Il est rentré!"
Papa! tant à te raconter!
Ecoute-moi! Regarde-moi!
N'aime que moi!

Il savait tout, possédait presque tout.
Il m'apprenait à être.
Comme lui.

Il pouvait traverser sans se faire écraser,
la rue, la guerre, la vie.
Il n'avait jamais peur ;
moi non plus, quand il tenait ma main.
C'était lui le plus fort,
qu me protégerait toujours.
Toujours il serait là.
Avec moi
Pour moi.
A moi.

L'aimer était si simple,
c'était une évidence.
Il était dans ma vie et ça me suffisait.

Il était comme ma vie.
Mon bonheur.
Mon amour.

J'étais sis fière de lui et de venir de lui.
Je tenais tant de lui.
Je tenais tant à lui.

Pourquoi je l'ai lâché?

Maintenant orpheline.
Je suis enfant trouvée.
Je suis une fille perdue.
Parce que je l'ai perdu.

Que lui est-il arrivé?
Il a rapetissé
a perdu son brillant.
Il n'est plus important.
Il est tiède, pas brûlant.
Il fait partie des gens.
Tant de défauts ont pousssé,
et l'ont défiguré.
Je ne reconnais plus mon roi,
sans sa couronne
et sans son or.

Il ne comprend plus rien
et emêche de tout.
Il m'énerve quand il sait,
m'énerve quand il ne sait pas.
Lui qui croit tout savoir,
Ne sais plus rien de moi.

Il n'est que lui, un homme,
beaucoup trop comme les autres,
et ça, c'est pas assez.
J'ai soif d'autres rêves.
J'ai faim de nouveaux hommes.

Il est vieux finalement.
Mais moi je suis toute neuve!
Moi je suis plus que lui.
Moi je ne suis que moi,
et pas la moi de lui.

Il ne compte plus du tout.
Lui qui comptait pour tout.
Lui qui était mon tout,
n'est plus que petits bouts.

Lentement il s'éloigne.

Et je l'oublie

Rachel Hausfater in Dans la rue du bonheur, perdue.

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