Monday, January 15, 2007

Mangez-moi-Agnès Desarthe


L'idée est surtout de ne pas s'ennuyer. La théorie, car j'ai une théorie de l'épluchage, est qu'il faut laisser une place à l'aléatoire. En cuisine, comme en toute chose, nous avons tendance à brider nos instincts. La vitesse et le chaos autorisent une légère perte de contrôle.

Roman - 310 pages
Editions de L'Olivier - août 2006

Myriam survit, lutte contre son passé et ses traumas, elle est cuisinière pour la troupe d'un cirque, n'a pas de chez elle. Jusqu'au jour où elle se lance et décide d'ouvrir son propre restaurant, Chez Moi, un lieu qui aurait son empreinte, avec des plats alléchants, soignés et abordables, une gestion réfléchie des aliments, des associations gustatives personnelles, des menus pour les enfants.... Alors elle trouve un local, s'équipe, mais loge dans son restaurant, prend des douches froides dans son grand évier, accepte l'aide d'un serveur, les fleurs du fleuriste d'en face, et s'adonne à sa passion culinaire. C'est également la thérapie qu'elle a choisie.
Qui est Myriam, cette femme contradictoire ? Où vit son fils qu'elle ne voit plus depuis de longues années ? Quelle faute l'a condamnée à se couper de sa famille ?
Autour de la cuisine de Myriam, il y a beacuoup de métaphores et de reflexions autour du plaisir et de faute, de la jouissance et de la culpabilité. Quand elle dit "Mangez-moi", "Mangez ce que je cuisine", c'est surtout "Aimez-moi" qu'elle aimerait prononcer. Myriam est très généreuse mais souffre d'un mal affectif profond.

Extrait :
"Les adolescents aux lèvres duveteuses et au front constellé de boutons, le cheveu gras sous leur calot de marmiton, peuvent, il est vrai, maîtriser l'ambre d'un caramel à jamais moelleux, ils vous dressent un rouget sans perdre un milligramme de chair et tricotent la crépinette comme autant de Pénélope. Mais. MAIS ! Fourrez-les dans une cuisine avec cinq gosses qui braillent, meurent de faim, jouent dans vos pattes et doivent repartir à l'école dans la demi-heure (l'un est allergique aux produits laitiers, et l'autre n'aime rien), jetez nos braves apprentis chefs dans cette fosse aux lionceaux, avec un frigo vide, des poêles qui attachent, et le désir de servir aux bambins un repas équilibré, puis regardez-les faire. Voyez l'oeuvre de ces braves garçons joufflus et regardez-les se défaire."
On savoure l'écriture d'Agnès Desarthe comme on salive à l'évocation de tous ces plats, le flan aux asperges, la ficoïde glacée à la vinaigrette de truffe, la cremolata, le gâteau roulé au pavot et à la confiture de cerises, de tous ces produits, les macreuses, les crosnes, la roquette, les bâtonnets d'anguille fumée, les miels de poutargue... Certains passages du roman sont des hymnes à la cuisine ! D'autres sont exceptionnellement forts et intelligents lorsque Agnès Desarthe fait disserter Myriam sur ce qui la ronge et ceux qui l'entourent.
Un régal.

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