Friday, May 25, 2007

Ca va mal finir, cette histoire entre Nicolas Sarkozy (montage de Clorel) et la petite Clèves.
S’il n’y prend garde, elle entravera sa course à la magistrature suprême. On sent bien dans les coulisses de la République que l’affaire monte en puissance et qu’elle pourrait lui exploser à la figure.

Tout a commencé le 23 février dernier. Le chef de l’UMP tenait une réunion publique devant ses troupes réunies à Lyon. Lancé dans une classique défense et illustration de la politique, il reposa soudain les feuillets de son texte et regarda ses milliers de fidèles droit dans les yeux : « Voilà que j’avais préparé un discours, eh bien je vais le mettre de côté parce lorsque l’on est avec tant d’amis (…) on se doit de parler avec le cœur et pas avec un texte. Je vais donc parler très librement… »
Ce qu’il fit aussitôt, s’agissant tant de l’Europe que de la Turquie ou du statut fiscal du PACS. Jusqu’à son fatal dérapage à l’issue d’une digression sur l’enseignement : « L’autre jour, je m’amusais, on s’amuse comme on peut, à regarder le programme du concours d’attaché d’administration. Un sadique ou un imbécile, choisissez, avait mis dans le programme d’interroger les concurrents sur laPrincesse de Clèves. Je ne sais pas si cela vous est souvent arrivé de demander à la guichetière ce qu’elle pensait de la Princesse de Clèves… Imaginez un peu le spectacle ! » On imagine plutôt les rires gras de l’assistance en écho à un tel assaut de démagogie.

Est-il besoin de rappeler que La Princesse de Clèves, modèle d’intelligence et de finesse dans l’analyse, est la matrice de la littérature moderne ? A ce titre, ce livre fait partie du bagage culturel de tout honnête homme de notre temps, fut-il attaché d’administration, voire même,horresco referrens, guichetier ! Depuis, l’aparté public de M.Sarkozy a fait boule de neige, de chroniques en tribunes libres, jusqu’à rebondir dans un album de bande dessinée à lui consacré.
Mais qu’est-ce qui lui a pris ? Les états-majors politiques se perdent en conjectures.
Ce chef d’œuvre du XVIIème siècle est-il à l’origine de son redoublement au lycée Chaptal de Neuilly ? M.Sarkozy de Nagy-Bocsa a-t-il un compte personnel à régler avec Mme de Lafayette ? A moins que, plus probablement, ce titre l’insupporte car il y voit en transparence l’insupportable métaphore de celle que l’on appelle la Dame en blanc alias Zapattera alias Sœur Sourire alias Blanche-Neige alias l’Immaculée Conception socialiste alias l’Hôtesse de l’air alias la Tueuse d’éléphants alias Jeanne d’Arc alias celle qui va lui mettre une sacrée claque aux prochaines élections, et ce ne sera pas une apparition.

On se souvient que Mlle de Chartres, devenue la princesse de Clèves alors qu’elle en pinçait secrètement pour le duc de Nemours, avait peur de s’abandonner par peur d’être abandonnée. Serait-ce la clé cachée du mépris sarkozyste ? René Pommier, qui a enseigné la littérature du XVIIème pendant plus de vingt ans à la Sorbonne, la fréquente de longue date. Il a voué une partie de sa vie à fouiller cette “histoire d’une âme” à travers la passion d’une femme pour un homme (voir ses Etudes sur la princesse de Clèves, Eurédit). Quand je l’ai interrogé au sujet de l’étrange sortie du chef charismatique de l’UMP, il tombait des nues.
C’est peu dire qu’il défend la présence de ce roman au programme de ce concours : “Quand bien même il n’y en aurait qu’un sur vingt, ou même moins, des agents de l’Administration à avoir pris goût à La Princesse de Clèves, ce serait déjà une excellente chose ! »Il suggère même qu’on lui adjoigne du Bossuet en raison de la beauté de la langue. Pendant qu’il y est, il formule une contre-proposition : « Qu’on interdise à tous les admirateurs de Johnny Hallyday (Sarkozy, Chirac, Raffarin…) de postuler à de hautes fonctions publiques car nous sommes, semble-t-il, en droit d’attendre que ceux qui nous gouvernent aient dans tous les domaines un minimum de culture ».

Il se murmure désormais que, si par extraordinaire, M.Sarkozy s’installait à l’Elysée, la Princesse de Clèves devrait laisser la place au Petit Nicolas.
En attendant, je suis volontaire pour être le chevalier blanc de la Clèves à défaut d’être son Nemours, surtout lorsqu’elle s’incarne sous les traits de Marina Vlady (photo du film de Jean Delannoy). Alors, tous à la manif ! pardon, à la conférence d’Isabelle Rambaud, conservatrice générale du patrimoine et auteur de La princesse de Clèves et son château (137 pages, 13 euros, Les Presses du village), fine enquête archivistique et iconographique à Coulommiers et partout où subsistent des traces du décor du roman. La manifestation se tiendra samedi 16 décembre à 15h à la médiathèque de Meaux. Il n’est pas impossible qu’un jour, les spécialistes de l’histoire politique du début du XXIème siècle remarquent dans le zeitgeist de cette pré-campagne électorale des signes de résistance à la démagogie anticléviste.


blog de Pierre Assouline

1 Comments:

Anonymous Anonymous said...

Vive la Hongrie libre !
La schtroumphette de Clèves est moche et déprimante, je suggère qu'on la pacse avec la Teckel socialiste, why not !
Je vote VW.
Pensées noires.

11/6/07 4:37 PM  

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